Découvert en 1986, le virus de l’immunodéficience féline (FIV) est génétiquement, morphologiquement, fonctionnellement et pathologiquement similaire au HIV, mais ne se transmet qu'entre félins et pas à l’homme.
D’après les prélèvements sanguins effectués sur les populations naturelles de chats par les chercheurs du Laboratoire de biométrie, génétique et biologie des populations (unité associée CNRS-Université Lyon 1) et ceux du Centre national d'études vétérinaires et alimentaires (CNEVA, Nancy-Malzéville), le taux de prévalence (1) est de 9 à 33 % selon les populations.
Une synthèse de tous les travaux épidémiologiques menés de par le monde donne un taux moyen de 11 %, ce qui, rapporté à l’effectif national de chats, donnerait 1 million d’individus infectés, et à l’effectif mondial, puisqu’il est présent sur tous les continents, 45 millions.
En 1986, des chercheurs américains ont découvert chez le chat domestique (Felis catus) un rétrovirus homologue au virus de l’immunodéficience humaine (ou HIV), le virus de l’immunodéficience féline (Feline Immunodeficiency Virus ou FIV) (2).
Le FIV est génétiquement, morphologiquement, fonctionnellement et pathologiquement similaire au HIV et constitue, par de nombreux aspects, un bon modèle d’étude de l’infection humaine par le HIV.
Ce lentivirus se transmet par la salive et le sang à l’occasion de morsures, par exemple lors de combats pour un territoire, ou pour la reproduction.
Comme pour le sida humain, l’infection par le FIV s’effectue en deux temps : une phase de pénétration du virus, puis une phase de propagation du virus dans l’organisme de l’hôte.
Une enzyme virale, la transcriptase inverse, permet au virus, dont l’information génétique est constituée d’un simple brin d’ARN, de se transcrire en un brin d’ADN (rétrotranscription).
Celui-ci se duplique et les deux brins s’intègrent au sein même des chromosomes des lymphocytes infectés.
Après quoi, le virus reste inactif pendant une longue période pouvant aller jusqu’à plusieurs années (d’où le nom de lentivirus), jusqu’à ce que la machinerie cellulaire prenne en charge les gènes viraux et produise de nombreux virions. La surface des lymphocytes s’en trouve modifiée et ceux-ci ne sont plus reconnus par les autres cellules protectrices du sang, qui les attaquent et les éliminent, créant ainsi un état d’immunodéficience.
La succession des différentes phases pathologiques induites par le FIV est semblable à ce qu’induit le HIV chez l’homme.
- Le premier stade de l’infection est caractérisé par une courte phase clinique d’un mois environ qui est suivie d’une période d’incubation d’une durée équivalente.
- Le second stade est celui de la séropositivité asymptomatique : comme l’homme dans cette phase de l’infection par le HIV, le chat est en bonne santé mais potentiellement infectant. La durée de cette phase n’est pas connue avec précision mais est de l’ordre de plusieurs années.
- La troisième étape de la maladie est constituée par une lymphadénopathie généralisée, syndrome caractérisé par un gonflement des ganglions lymphatiques, et persiste en général moins d’une année.
- Enfin, le stade ultime est souvent subdivisé en deux sous-parties : l’ARC (pour AIDS Related Complex) consiste en l’apparition de symptômes associés à la lymphadénopathie du stade précédent, et le sida, caractérisé par une perte de défenses immunitaires favorisant l’apparition de maladies opportunistes, qui causeront la mort à brève échéance.
Un chat atteignant ce dernier stade a une espérance de vie de trois mois au plus.
Comme pour le HIV, seul un traitement palliatif peut être utilisé et ce au niveau expérimental exclusivement, et l’élaboration d’un vaccin commercialisable contre le FIV risque de durer encore plusieurs années.
Grâce à la conservation de sérums de chats, on a pu retrouver la trace sérologique du virus jusqu’en 1968, à la fois aux Etats-Unis et au Japon, en 1972 en Australie et en 1974 en France. La rareté de ces sérothèques ne permet malheureusement pas de faire remonter les recherches plus loin. Des chercheurs français effectuent annuellement, depuis 1991, des prélèvements sanguins parmi des populations naturelles de chats, c’est-à-dire des chats errants ou autorisés à sortir, certains vivant en milieu rural, d’autres en milieu urbain (3).
Ces études donnent des taux de prévalence de 9 à 33 % selon les populations, les différents résultats publiés par ailleurs (ceux des vétérinaires, qui portent non pas sur des «populations naturelles» mais sur des chats domestiques, sans rapport les uns avec les autres) laissant supposer une variabilité encore plus forte. Si l’on se base sur un effectif de dix millions de chats domestiques en France, on obtient une estimation de un à trois millions d’individus infectés. Le «taux moyen d’infection» par ce virus dans le monde, calculé sur plus de quatre-vingt mille chats testés, est de 11 %.
On estime l’effectif mondial de chats à plus de quatre cents millions. Aussi, près de 45 millions de chats au total pourraient être séropositifs pour ce virus dans le monde. Cette estimation doit toutefois être revue à la baisse compte tenu du nombre important de chats qui ne sont jamais en contact avec leurs congénères. Ces études suggèrent que l’impact de ce virus dans les populations naturelles de chats domestiques est faible, ce qui pourrait expliquer une aussi forte prévalence pour un virus endémique mortel. *
Un chat errant rural vit, en moyenne, 3 à 4 ans et, généralement, n’est pas infecté avant l’âge d’un an, ce qui explique que peu d'individus vivront «assez longtemps» pour mourir de l'infection FIV, d'où un faible impact du virus dans les populations naturelles.
Un chat errant contractant la maladie sur le tard pourra sans doute mourir de sa belle mort. Un chat fiv+ si contaminé jeune et si devenant chat domestique peut vivre jusqu'à 8/10 ans.
La spécificité du FIV au sein des différentes espèces de félins, ainsi que la répartition mondiale du virus, la preuve sérologique de son existence depuis au moins 25 ans et le faible impact du virus (relativement aux autres causes de mortalité) dans les populations naturelles de chats domestiques, sont des arguments en faveur d’une apparition assez ancienne du FIV, datant peut-être même d’avant la spéciation des félidés, il y a 3 à 6 millions d’années.
Pas d'infection possible du chat à l'homme.
Références : - J.-M. Legay. Comptes rendus de l’Académie des sciences Paris, 303 III, 709, 1986. - F. Courchamp et D. Pontier. Comptes rendus de l’Académie des sciences Paris, 1994, soumis à publication. - F.Courchamp, D.Pontier, J.-M.Legay, M.Artois.Le sida du chat et son virus, La Recherche, n° 268, septembre 1994.(3)